mardi 26 mai 2015

Oona et Salinger de Frédéric Beigbeder { Prix Audiolib }

Voilà un roman bien particulier. 
Vous trouverez de nombreux billets de blogs qui en parlent, certains l'ayant aimé, d'autres l'ayant détesté. 
C'est peut-être le propre de Beigbeder, cet individu public un peu agaçant parfois, très présent dans les médias et auteur au statut un peu à part. 

Dans mes cours, je fais souvent une séquence sur l'écrivain et son statut public. 
En langage scientifique, le sujet scripteur n'est pas le même que le sujet auteur. 
L'un est privé, il peut passer ses journées en charentaises quand l'autre passe à la télé et ne porte que des costumes trois pièces (parfois, ils peuvent même être deux personnes différentes).
Beigbeder me semble être l'anti-exemple à cette règle tant il est présent dans ses écrits. 
Certes, c'est un narrateur, mais il parle de sa vie et c'est clairement Beigbeder lui-même qui s'exprime. 
Il faut donc apprécier un minimum le personnage pour aimer ses livres, j'ai l'impression, et notamment celui-ci. 

Oona O'neill, 16 ans, vit chez sa meilleure amie et passe ses soirées au Stork, bar branché de New York. 
Elle boit, elle fume, elle s'amuse. 
Gloria Van derbilt, Truman Capote, sont ses meilleurs amis. 
Jerry Salinger, jeune homme timide, un peu effacé tombe sous le charme d'Oona dès le premier regard. 
Il en a le souffle coupé mais ce n'est que lors de leur deuxième rencontre qu'il se décide à l'aborder vraiment. 
Pendant plusieurs mois, leur liaison si particulière s'étire, mais la guerre emporte Jerry... 

L'histoire d'Oona O'Neill, on la connait (ou pas et on l'apprend dans ce livre très bien documenté il me semble) et Wikipédia vous expliquera facilement qu'elle s'est ensuite mariée avec Chaplin, de plus de 30 ans son ainé. 
Et c'est peut-être ce qui rend ce roman si particulier. 
Le coeur du récit est indiqué par le titre. 
L'auteur propose de raconter la courte histoire qui s'est nouée entre Oona et Salinger au début des années 1940. 
Cette liaison s'est poursuivie par une correspondance pendant que Salinger était sur le front en France. 
Un deuxième récit commence alors, mêlant la vie d'Oona et Chaplin, qui s'oppose à celle de Salinger. 
Dans un cas, la frivolité prime même si Chaplin essaie tout de même de militer un peu. 
Dans l'autre cas, Salinger souffre et décrit les horreurs de la guerre et la découverte des camps de concentration. 
On découvre ces deux vies auxquelles se mêlent ensuite les considérations de Beigbeder sur les unions qui rassemblent un homme beaucoup plus âgé et une toute jeune femme. 
Cela donne un roman aux trois fils où Beigbeder parle beaucoup de lui, mais encore plus d'Oona et Salinger, et un peu de Chaplin. 
On peut facilement en être agacé quand on attend de lire une bio d'Oona, mais l'auteur est aussi le chantre de l'autofiction et cela me semblait logique de la voir apparaitre dans son roman. 

Evidemment, le reste du roman est du même ordre. 
Beigbeder fait un aparté au début du roman sur le type de roman qu'il a choisi d'écrire, mêlant faits et fiction pour produire un roman de faction
Il revient à la fin sur sa rencontre avec sa compagne et sur leur différence d'âge. 
Ces deux passages sont même lus par Beigbeder lui-même tant il s'agit d'une parole personnelle. 

Mais ce que j'ai préféré dans le roman, ce sont les incises du narrateur/auteur dont certaines sont hilarantes. 
Il invente carrément le "chapitre Youtube" en indiquant au lecteur qu'il lui faut ouvrir son ordinateur et aller voir une vidéo d'Oona avant de continuer sa lecture ! 
Il fait aussi mention d'autres auteurs qui auraient écrit de telle façon, qui auraient décrit le paysage mais on ne pouvait pas le voir parce qu'il fait nuit !!
Ces passages lui ressemblent vraiment et ce jeu avec le lecteur et la tradition me semble toujours stimulant et sain pour la littérature.
C'est sans doute un peu de "foutage de gueule" (rien d'autre ne me vient pour le décrire), et il faut quand même avoir du culot pour le faire (voire du talent pour donner ce coup de pied dans la fourmilière).
Il y a aussi vraiment de beaux morceaux comme le chapitre 8 où les deux vies se mêlent dans une succession absurde d'actions tellement opposées.

Du côté du moins, il y a un chapitre sur la seconde guerre mondiale où l'on s'attarde beaucoup sur les horreurs de la guerre avec une succession de faits qui m'ont semblé simplement juxtaposés (un chapitre Wikipédia ?).
Certains m'étaient inconnus et c'est peut-être bien de les rappeler, néanmoins j'ai eu du mal a percevoir la cohérence.
Peut-être s'agit-il de montrer le contraste énorme entre les deux directions prises par les deux personnages, mais c'était tout de même un peu long et un peu éloigné du récit.

J'ai aussi eu un peu de mal avec l'argumentaire pour les unions déséquilibrées.
Un vieux avec une jeune, cela me parait quand même toujours un peu suspect.

Quant à la version audio, elle est lue à deux voix par Beigbeder et Edouard Baer, comme je l'ai dit plus haut. 
Cette lecture double est parfaite pour identifier le prologue et les épilogues. 
Edouard Baer, lui, est aussi un personnage à la voix très reconnaissable, mais j'ai trouvé qu'on l'oubliait bien. 
Il a parfois des petits tics de langage dans sa prononciation qui ne m'ont pas gêné très longtemps. 

En bref, un roman pour ceux qui aiment Beigbeder, pour ceux qui aiment Salinger, pour ceux qui aiment les midinettes. 


10 commentaires:

  1. Je n'aime pas Beigbeider, je ne suis pas fan des midinettes mais j'adore Edouard Baer. Est-ce la raison pour laquelle j'ai enfin réussi à aimer Beigbeider? San doute un peu.
    Moi je m'en fiche qu'il soit un peu vieux et qu'il aime une fille un peu jeune, par contre effectivement, il n'est pas obligé de tenter de nous convaincre que c'est le modèle idéal. ;)

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    1. Oui, tu as raison, on s'en fiche, chacun fait ce qu'il veut (dans les limites légales et pas avec les trop jeunes quand même) mais il aurait pu s'abstenir d'argumenter :D

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  2. Il n'a décidément rien pour me tenter, ce livre.

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    1. Je n'essaierai pas de te convaincre, c'est un livre trop spécial pour ça ;^)

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  3. Alire en connaissance de cause donc, mais pourquoi pas ?

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    1. Voilà, c'est ça. Je pense qu'il ne peut pas plaire à tout le monde, mais si on est prévenu, on peut sans doute s'y retrouver davantage :^)

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  4. Ton billet est vraiment chouette à lire, il fait bien la part des choses.
    Je suis d'accord pour le chapitre 8 qui est très beau et personnellement j'ai adoré la rencontre imaginée par Frédo entre Salinger et Hemingway. Et du coup j'ai eu envie de lire ces 2 auteurs classiques.
    Bon je suis fan de Beigbeder même si je suis le premier à dire que certains de ses livres sont vraiment nases...
    J'apprends toujours beaucoup avec lui...

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    1. J'aime bien aussi Beigbeder, pour le personnage et certains de ses livres. Parfois, il part vraiment trop loin, et ça devient un grand délire, mais ce livre m'a donné envie de lire d'autres romans que je n'ai pas encore lu. Il faudra que je regarde ça dans les prochains mois pour découvrir peut-être une autre pépite Beigbédesque :^)

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